French Translations of Conspiracy Theory and Extremism Articles

Here are a couple recent articles translated into French. The “conspiracy theory” article was first published by the American Conservative and reposted by Zero Hedge.  The second article, on Extremism, was first published by the Future of Freedom Foundation and republished by Consortium News.

La comédie de la « théorie du complot »

Comment le gouvernement et les médias utilisent cette formule pour se débarrasser de l’opposition…

Le rapport de Biden sur la « Stratégie nationale de lutte contre le terrorisme intérieur », publié la semaine dernière, déclare que pour « renforcer la foi dans la démocratie américaine », il faut « trouver des moyens de contrer l’influence et l’impact des dangereuses théories du complot ». Au cours des dernières décennies, les théories du complot se sont multipliées presque aussi vite que les mensonges et les dissimulations des gouvernements. Bien que de nombreuses allégations soient ridiculement farfelues, l’establishment politique et les médias apposent systématiquement l’étiquette « théorie du complot » à toute remise en cause de leur domination.

Selon Cass Sunstein, professeur de droit à Harvard et tsar de la réglementation d’Obama, une théorie du complot est « un effort pour expliquer un événement ou une pratique en faisant référence aux machinations de personnes puissantes, qui ont également réussi à dissimuler leur rôle ». Les citoyens raisonnables sont censés présumer que le gouvernement crée des milliers de milliards de pages de nouveaux secrets chaque année pour leur propre bien, et non pour cacher quoi que ce soit au public.

Au début des années 1960, les théories du complot étaient pratiquement un non-sujet, car 75 % des Américains faisaient confiance au gouvernement fédéral. Une telle crédulité n’a pas survécu à l’assassinat de John F. Kennedy. Sept jours après que Kennedy a été abattu le 22 novembre 1963, le président Lyndon Johnson a créé une commission (connue plus tard sous le nom de Commission Warren) pour supprimer la controverse sur l’assassinat. Johnson et le chef du FBI, J. Edgar Hoover, ont intimidé les membres de la commission pour qu’ils publient rapidement un rapport approuvant la version de l’assassinat selon laquelle il s’agissait d’un tireur isolé et fou. Le leader de la minorité de la Chambre des représentants, Gerald Ford, membre de la commission, a révisé le rapport final du personnel pour modifier l’endroit où la balle a pénétré dans le corps de Kennedy, sauvant ainsi la théorie de la « balle magique » de Hoover. Après que les conclusions de la Commission Warren ont été ridiculisées comme étant un blanchiment, Johnson a ordonné au FBI de mettre sur écoute les critiques du rapport. Pour protéger l’histoire officielle, la commission a scellé les dossiers clés pendant 75 ans. La vérité n’éclaterait qu’une fois que toutes les personnes impliquées dans la dissimulation auraient obtenu leur pension et seraient mortes.

La controverse entourant la Commission Warren a incité la CIA à s’attaquer officiellement à la notion de théorie du complot. Dans une alerte adressée en 1967 à ses stations et bases à l’étranger, la CIA déclare que le fait que près de la moitié des Américains ne croient pas qu’Oswald a agi seul « est un sujet de préoccupation pour le gouvernement américain, y compris pour notre organisation » et met en danger « toute la réputation du gouvernement américain ». Le mémo demandait aux destinataires d’ »employer des moyens de propagande » et d’exploiter « les contacts amis de l’élite (en particulier les politiciens et les éditeurs), en soulignant… certaines parties du discours sur la conspiration semblent être délibérément générées par des propagandistes communistes. » La preuve ultime de l’innocence du gouvernement : « Une conspiration à l’échelle souvent suggérée serait impossible à dissimuler aux États-Unis. »

La CIA a toutefois dissimulé un large éventail d’assassinats et de coups d’État étrangers qu’elle a menés jusqu’à ce que des enquêtes du Congrès, au milieu des années 1970, ne lèvent le voile. Le New York Times, qui a révélé le mémo de la CIA en 1977, a noté que la CIA « a réuni sa machine de propagande pour soutenir une question qui préoccupe beaucoup plus les Américains, et la CIA elle-même, que les citoyens d’autres pays ». Selon l’historien Lance deHaven-Smith, auteur de Conspiracy Theory in America, « la campagne de la CIA visant à populariser le terme « théorie du complot » et à faire de la croyance au complot une cible de ridicule et d’hostilité doit être créditée… d’être l’une des initiatives de propagande les plus réussies de tous les temps. » (En 2014, la CIA a publié un rapport fortement expurgé admettant qu’elle avait été « complice » d’une « dissimulation » de JFK en retenant des informations « incendiaires » à la Commission Warren).

L’administration Johnson a également cherché à dépeindre les critiques de sa politique de guerre au Vietnam comme des fous du complot, du moins quand elle ne les dépeignait pas comme des laquais communistes. Au cours des audiences du Sénat de 1968 sur l’incident du golfe du Tonkin, le secrétaire à la Défense Robert McNamara a dénoncé les « insinuations monstrueuses » selon lesquelles les États-Unis avaient cherché à provoquer une attaque nord-vietnamienne et a déclaré qu’il était « inconcevable que quiconque connaissant un tant soit peu notre société et notre système de gouvernement puisse soupçonner l’existence d’une conspiration » visant à conduire la nation à la guerre sous de faux prétextes. Trois ans plus tard, la divulgation des Pentagon Papers a démoli la crédibilité de McNamara et d’autres hauts fonctionnaires de l’administration Johnson qui avaient effectivement entraîné l’Amérique dans la guerre du Viêt Nam sous de faux prétextes.

Les condamnations des théories du complot sont devenues une marque de fabrique de l’administration Clinton. En 1995, le président Bill Clinton a affirmé que les personnes qui pensaient que le gouvernement menaçait leur droit constitutionnel étaient des ingrats dérangés : « Si vous dites que le gouvernement est en train de conspirer pour vous priver de votre liberté, vous vous trompez tout simplement….. Comment osez-vous vous prétendre patriotes et héros ! » La même année, la Maison Blanche a compilé un rapport enfiévré de 331 pages intitulé « Communication Stream of Conspiracy Commerce », attaquant les magazines, les groupes de réflexion et autres qui avaient critiqué le président Clinton. Dans les années qui ont suivi, de nombreuses organisations condamnées dans le rapport de la Maison Blanche ont été la cible d’audits de l’IRS, notamment la Heritage Foundation et le magazine American Spectator, ainsi que près d’une douzaine d’accusateurs individuels très médiatisés de Clinton, dont Paula Jones et Gennifer Flowers. Malgré les protestations de Clinton selon lesquelles il ne représentait aucune menace pour la liberté, même l’ACLU a admis en 1998 que l’administration Clinton s’était « engagée dans la surveillance subreptice, comme les écoutes téléphoniques, à une échelle bien plus grande que jamais auparavant… L’administration utilise des tactiques de peur pour acquérir de vastes nouveaux pouvoirs pour espionner tous les Américains. »

Certaines allégations relatives à la « théorie du complot » exposent de manière comique la naïveté des responsables officiels de la surveillance. En avril 2016, l’université Chapman a mené une enquête auprès des Américains et a annoncé que « la théorie du complot la plus répandue aux États-Unis est que le gouvernement dissimule des informations sur les attentats du 11 septembre, un peu plus de la moitié des Américains ayant cette conviction. » Ce sondage ne demandait pas si les gens croyaient que les World Trade Centers avaient été détruits par un travail de l’intérieur ou que le président George W. Bush avait secrètement organisé les attaques. Au lieu de cela, on a simplement demandé aux gens si « le gouvernement dissimule des informations » sur les attaques. Seul un idiot du village, un professeur d’université ou un éditorialiste pourrait supposer que le gouvernement a fait toute la lumière. Trois mois après la réalisation de l’enquête de l’université Chapman, l’administration Obama a finalement publié 28 pages d’un rapport du Congrès de 2003 qui révélait que des responsables du gouvernement saoudien avaient directement financé certains des pirates de l’air du 11 septembre en Amérique. Cette révélation a fait voler en éclats le scénario soigneusement construit par l’administration Bush, la Commission du 11 septembre et les légions de médias complices. (Les poursuites se poursuivent devant les tribunaux fédéraux pour obliger le gouvernement américain à divulguer davantage d’informations sur le rôle du gouvernement saoudien dans les attentats).

« La théorie du complot » est souvent un drapeau de complaisance pour les médias. En 2018, le New York Times a affirmé que l’utilisation par Trump de l’expression « Deep State » (Etat Profond, ndlr) et d’une rhétorique similaire « attisait les craintes qu’il érode la confiance du public dans les institutions, sapant l’idée de vérité objective et semant des soupçons généralisés sur le gouvernement et les médias d’information. » Cependant, après que les allégations de responsables gouvernementaux anonymes ont suscité la première destitution de Trump en 2019, le chroniqueur du New York Times James Stewart s’est réjoui : « Il y a un État profond, il y a une bureaucratie dans notre pays qui s’est engagée à respecter la Constitution, à respecter l’État de droit… Ils travaillent pour le peuple américain. » L’éditorialiste du New York Times Michelle Cottle a proclamé : « L’État profond est bien vivant » et l’a salué comme « une collection de fonctionnaires patriotes. » Presque immédiatement après que son existence n’a plus été niée, l’État profond est devenu l’incarnation de la vertu à Washington.

L’élite médiatique peut fabriquer des désignations de « théorie du complot » presque en un clin d’œil. Une semaine après le jour des élections de 2020, le New York Times a publié un gros titre en haut de la première page : « Les officiels des élections dans tout le pays n’ont trouvé aucune fraude. » Comment le Times l’a-t-il su ? Ses journalistes ont appelé chaque État et ont demandé : « Avez-vous constaté des fraudes ? ». Les fonctionnaires électoraux ont répondu « non », prouvant ainsi que quiconque remettait en question la victoire de Biden faisait la promotion d’une conspiration sans fondement. Alors que les principaux politiciens libéraux ont dénoncé les sociétés de vote électronique comme n’ayant aucun compte à rendre et étant malhonnêtes en 2019, tous les doutes concernant ces sociétés sont devenus des « conspirations » après ce titre du Times. Le Times a contribué à stimuler une cacophonie médiatique noyant toute personne se plaignant de la récolte des bulletins de vote, de l’envoi massif illégal de bulletins de vote par correspondance ou des échecs généralisés de vérification de l’identification des électeurs.

En fait, les accusations de « théorie du complot » ont aidé Biden à remporter l’élection présidentielle de 2020. Comme l’a récemment fait remarquer le sénateur Lindsey Graham (R-SC), si les Américains croyaient que le virus COVID-19 avait été créé dans un laboratoire du gouvernement chinois, Trump aurait probablement remporté l’élection, car les électeurs auraient cherché un dirigeant capable de se montrer ferme envers la Chine. Mais l’explication de l’origine du laboratoire a rapidement été qualifiée d’hérésie pro-Trump. Le Washington Post a dénoncé le sénateur Tom Cotton (R-AR,) pour avoir suggéré que le virus provenait du laboratoire, ce qui était soi-disant une « théorie du complot déjà démystifiée. » Vingt-sept éminents scientifiques ont signé une lettre dans le Lancet : « Nous nous unissons pour condamner fermement les théories du complot suggérant que le COVID-19 n’a pas une origine naturelle… Les théories du complot ne font rien d’autre que de susciter la peur, les rumeurs et les préjugés qui mettent en péril notre collaboration mondiale dans la lutte contre ce virus. » The Lancet n’a révélé que la semaine dernière que l’un des signataires et la personne qui a organisé la campagne de signature de la lettre dirigeaient une organisation qui recevait des subventions du gouvernement américain pour ses travaux au laboratoire de l’Institut de virologie de Wuhan. Le président Biden a ordonné aux agences de renseignement américaines de réexaminer la situation pour tenter de déterminer l’origine du COVID-19.

Les accusations de « théoriciens du complot » vont-elles permettre au FBI et à d’autres agences fédérales de sortir de prison en ce qui concerne l’affrontement du 6 janvier au Capitole ? Après que Tucker Carlson, de Fox News, a présenté des allégations selon lesquelles des informateurs ou des agents du FBI auraient été à l’origine de l’émeute, le Washington Post a rapidement dénoncé sa « théorie sauvage et sans fondement », tandis que le Huffington Post a dénoncé sa « ridicule théorie du complot ». Peu importe combien de fois le FBI a été l’instigateur de complots terroristes ou de violences politiques au cours des 60 dernières années (y compris le complot visant à kidnapper la gouverneure du Michigan, Gretchen Whitmer, en novembre dernier). Au lieu de cela, les gens décents ne doivent rien faire pour mettre en péril le récit officiel du 6 janvier comme un horrible événement terroriste privé au même titre que la guerre de 1812, Pearl Harbor et les attentats du 11 septembre.

La « théorie du complot » est une phrase magique qui efface tous les abus fédéraux antérieurs. De nombreux libéraux qui invoquent cette phrase citent aussi rituellement un livre de 1965 de l’ancien communiste Richard Hofstadter, The Paranoid Style in American Politics. Hofstadter décrivait la méfiance à l’égard du gouvernement comme une procuration de la maladie mentale, un paradigme qui rend le caractère des critiques plus important que la conduite des agences gouvernementales. Pour Hofstadter, c’était une vérité évidente que le gouvernement était digne de confiance parce que la politique américaine avait « une sorte de code professionnel… incarnant la sagesse pratique de générations de politiciens ».

Une grande partie de la rage de l’establishment contre les « théories du complot » a été motivée par la notion selon laquelle les dirigeants ont droit à une obéissance intellectuelle passive. Le même état d’esprit de lèse-majesté a été largement adopté pour brouiller l’histoire américaine. Arthur Schlesinger Jr, l’historien de la cour du président John F. Kennedy et un intellectuel libéral vénéré, a déclaré en 2004 dans un article de Playboy : « Les historiens d’aujourd’hui concluent que les colons ont été poussés à la révolte en 1776 en raison de la fausse conviction qu’ils étaient confrontés à une conspiration britannique visant à détruire leur liberté ». L’imposition par les Britanniques de la loi martiale, la confiscation des armes à feu, les blocus militaires, la suspension de l’habeas corpus et la censure étaient-ils simplement une fantaisie déréglée de Thomas Jefferson ? L’idée que les Britanniques ne conspireraient jamais pour détruire la liberté n’est pas très populaire à Dublin. Pourquoi ferait-on confiance à des universitaires qui étaient aveugles aux menaces britanniques dans les années 1770 pour juger avec précision des dangers contemporains pour la liberté ?

Comment l’administration Biden entend-elle lutter contre les « théories du complot » ? Le rapport Biden sur le terrorisme préconise de « renforcer la confiance dans le gouvernement » en « accélérant le travail pour faire face à un environnement d’information qui met au défi un discours démocratique sain ». L’équipe de Biden s’appuiera-t-elle sur la « solution » suggérée par Cass Sunstein : « l’infiltration cognitive des groupes extrémistes » par des agents et des informateurs du gouvernement pour les « miner » de l’intérieur ? Un rapport du Sénat de 1976 sur le programme COINTELPRO du FBI exigeait des garanties qu’une agence fédérale ne serait plus jamais « autorisée à mener une guerre secrète contre les citoyens qu’elle considère comme des menaces pour l’ordre établi ». En réalité, le FBI et d’autres agences ont continué à mener une guerre secrète contre les « menaces » et des légions d’informateurs sont probablement occupés à « infiltrer cognitivement » en ce moment même.

La « théorie du complot » restera un des ricanements favoris de l’élite politico-médiatique. Rien ne peut remplacer le fait que les Américains développent de meilleurs radars de B.S. pour les affirmations gouvernementales et les balivernes privées. En attendant, il y a toujours le remède qu’un article du Washington Post sur la santé a vanté à la fin de l’année dernière : « Essayez l’imagerie guidée. La visualisation de résultats positifs peut aider à maîtriser les émotions intenses qui pourraient vous rendre plus vulnérable aux théories du complot nuisibles. »

Traduction de Jim Bovard par Aube Digitale

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« Extrémistes » : L’épouvantail des dirigeants

pour justifier leur propre pouvoir

Détail de « Que viene el coco » de Francisco de Goya, ou « Voici le croque-mitaine », 1799. (Galerie nationale d’art. Wikimedia Commons)

Le nouveau croque-mitaine

« Extrémistes », voilà un des fameux épouvantails dont les politiciens américains se servent pour justifier leur propre pouvoir. Mais la définition de l’extrémisme est en mutation permanente. Le seul élément constant dans les définitions de l’extrémisme, c’est que les politiciens gagnent toujours.

Dans les années 1770, les personnes qui suggéraient que le roi d’Angleterre n’avait pas le droit de diriger l’Amérique étaient considérées comme des extrémistes. En 2013, on trouvait encore dans un document d’instruction du Pentagone que « les colons qui cherchaient à se libérer de la domination britannique » étaient un exemple de « mouvement extrémiste ».

Dans les années 1850, les Sudistes qui proposaient de libérer les esclaves étaient considérés comme de dangereux extrémistes souvent réduits au silence par la censure. Les Nordistes qui estimaient que le Sud devait être militairement détruit étaient considérés comme des extrémistes, du moins jusqu’à ce que John Brown soit vénéré.

Dans les années 1920, les personnes qui suggéraient que le président devrait avoir le pouvoir de confisquer l’or des citoyens étaient considérées comme des extrémistes – voire des communistes.

Après 1934, les personnes qui dénonçaient la confiscation fédérale de l’or américain étaient souvent considérées comme des extrémistes.

Après la Seconde Guerre mondiale, les présidents invoquaient régulièrement la lutte contre l’extrémisme pour justifier leurs assassinats ou salir leurs détracteurs.

En 1952, lorsque les républicains ont critiqué la guerre de Corée comme étant inutile, le président Harry Truman a condamné « les extrémistes républicains imprudents et irresponsables » et « la version mensongère de l’histoire dont les extrémistes du Parti républicain sont les auteurs ». Mais les mensonges et les atrocités qui ont entaché la campagne militaire américaine en Corée ont été largement reconnus au point de détruire la présidence de Truman.

En 1964, Lyndon Johnson déclarait : « Quand on exerce la présidence, l’extrémisme est un vice impardonnable, et la modération dans les affaires de la Nation est la plus grande vertu ». Les médias ont présenté Johnson comme un choix modéré alors même qu’il bombardait intensivement le Nord-Vietnam et que, contrairement à ce qu’il avait dit aux électeurs, il préparait une escalade militaire majeure du conflit..

 

Le président Lyndon B. Johnson en 1966 remet une décoration à un soldat pendant sa visite au Vietnam. (Yoichi Okamoto, LBJ Library, Wikimedia Commons)

En 1965, après que Johnson ait envoyé des marines américains en République dominicaine pour soutenir une junte militaire qui venait de prendre le pouvoir, il a annoncé que « le peuple dominicain… ne veut pas d’un gouvernement qui soit un gouvernement d’extrémistes que ce soit de gauche ou de droite ». Tant qu’il dénonçait les extrémistes et récitait de faux messages d’alerte sur les prises de contrôle communistes, les milliers de Dominicains tués dans les combats qui suivirent devenaient des sacrifices sur l’autel de la modération.

En 1966, dans un discours prononcé au East-West Center à Honolulu, Johnson déplorait : « Il subsiste en Asie des voix représentant l’extrémisme et des apôtres du militantisme ». L’année précédente, son département d’État avait secrètement approuvé une répression sauvage des personnes soupçonnées de communisme (ou de gens qui vivaient dans l’entourage de communistes présumés) par l’armée indonésienne. Un demi-million d’Indonésiens ont été massacrés avec l’approbation de Johnson au cours d’un carnage que la CIA a qualifié de « l’une des pires éradication de masse du XXe siècle ».

Clinton et Bush

Bill Clinton s’est régulièrement servi de l’extrémisme pour ternir l’opposition politique. En 1999, il a déclaré au Conseil des dirigeants démocrates que « nous continuons d’être confrontés à un niveau d’extrémisme et de partialité [de la part des républicains] qui est particulièrement effrayant pour les intérêts à long terme de l’Amérique.» Mais ce ne sont pas les républicains qui se sont engagés dans six années de mensonges permanents pour étendre et sacraliser le pouvoir fédéral. A la veille des élections de 2000, Clinton a déclaré : « Il faut bien que quelqu’un fasse ce que j’ai fait ces six dernières années, c’est-à-dire arrêter l’extrémisme à Washington, et il est clair qu’on a qu’un seul choix : Al Gore.» Gore a perdu, en partie parce que de nombreux électeurs craignaient qu’il ne renforce l’extrémisme à Washington.

Avant septembre 2001, quiconque suggérait que le gouvernement américain menait une croisade pour « débarrasser le monde du mal » aurait été qualifié à la fois d’extrémiste et de cinglé. Mais lorsque c’est exactement ce qu’a promis George W. Bush trois jours après le 11 septembre, les médias l’ont acclamé et sa côte de popularité a grimpé en flèche.

 

Le 14 septembre 2001, debout sur un camion de pompiers déglingué à Ground Zero, le président George W. Bush, en compagnie de Bob Beckwith, pompier retraité de New York improvise un discours. (Eric Draper, George W. Bush Presidential Library and Museum, U.S. National Archives)

En 2004, après que le gouvernement afghan contrôlé par les États-Unis ait organisé des élections frauduleuses, Bush a déclaré : « Le succès des élections en Afghanistan prouve un rejet catégorique du cynisme et de l’extrémisme et c’est un hommage au triomphe de la liberté et de l’espoir ». Mais l’Afghanistan a rapidement plongé dans une spirale infernale de déclin, ce qui a incité le gouvernement américain à plus encore truquer les élections afghanes suivantes.

En 2004, Bush a sacralisé sa guerre contre le terrorisme : « Cette lutte entre l’extrémisme politique et les valeurs civilisées se manifeste dans de nombreux endroits ». Et toutes les méthodes utilisées par l’administration Bush – y compris la torture – étaient par définition « civilisées » puisque les opposants étaient des extrémistes.

Les extrémistes étaient parmi les hommes de paille préférés de Bush. Il a déclaré à un groupe de journalistes : « Le nom que nous avons donné à la guerre contre le terrorisme n’était pas le bon. On devrait dire qu’il s’agit de la lutte contre les extrémistes idéologiques qui ne croient pas aux sociétés libres et qui utilisent la terreur comme une arme pour essayer d’ébranler la conscience du monde libre ». La journaliste du Washington Post Dana Milbank a proposé un acronyme pour la nouvelle déclaration de guerre de Bush : SAIEWDNBIFSWHTUTAAWTTTSTCOTFW. [Struggle Against Ideological Extremists Who Do Not Believe in Free Societies Who Happen to Use Terror as a Weapon to Try to Shake the Conscience of the Free World, LCLEIQNCPASLEQULTCUAPEQELCDML, NdT]

En 2005, dans son discours sur l’état de l’Union au Congrès, Bush s’est vanté des récentes élections irakiennes : « Le monde entier sait maintenant qu’un petit groupe d’extrémistes n’ira pas à l’encontre de la volonté du peuple irakien ». Les élections irakiennes de 2005 ressemblaient en fait plus à un référendum style bloc soviétique qu’à une réunion électorale en Nouvelle-Angleterre. Les troupes américaines se sont rendues sur place, diffusant un message demandant aux électeurs de sortir-et-voter tout en effectuant des raids dans les foyers. Après que les soldats aient distribué des milliers de spécimens de bulletins de vote, le responsable des élections de l’ONU a condamné l’ingérence militaire américaine.

Obama

En 2009, dans son premier discours au Congrès, Barack Obama a déclaré : « Pour vaincre l’extrémisme, nous devons aussi être vigilants dans le maintien des valeurs que défendent nos troupes, car il n’y a pas aucune force au monde qui soit plus puissante que l’exemple de l’Amérique ». Obama s’est servi de l’extrémisme pour justifier toutes les coups de force qu’il a commis. Dans le cadre de sa guerre contre l’extrémisme violent, l’administration Obama a revendiqué le droit de tuer des Américains sans procès, sans préavis et sans que les victimes puissent s’y opposer légalement.

Dans un discours prononcé en décembre 2009 à West Point, Obama a annoncé qu’il enverrait beaucoup plus de soldats américains en Afghanistan dans le cadre de la « lutte contre l’extrémisme violent », laquelle serait, selon lui, « un critère pérenne de notre société libre ». Plus d’un millier d’Américains ont ensuite été tués en Afghanistan dans une escalade qui n’a fait que prolonger la guerre. La CIA avait cherché à avertir Obama que sa « surenchère » serait un échec, mais une petite foule au cimetière d’Arlington était un faible prix à payer pour ternir l’image de dur à cuire d’Obama.

Le président Barack Obama rencontre les dirigeants du Congrès et les présidents des commissions pour discuter de l’Afghanistan et du Pakistan, 6 octobre 2009. (Maison Blanche, Pete Souza)

En 2011, Obama a légitimé le bombardement de la Libye, ce pays ne devait pas devenir « un nouveau refuge pour les extrémistes ». Après que les États-Unis ont aidé à renverser le dictateur libyen, les extrémistes ont pris le contrôle d’une grande partie du pays et la violence a fait des milliers de victimes (dont quatre Américains tués à Benghazi en 2012). Les marchés aux esclaves qui ont commencé à se tenir ouvertement en Libye après l’attentat américain ne faisaient pas officiellement partie de la campagne anti-extrémisme du président.

En 2014, Obama a justifié l’intervention militaire américaine en Syrie : « Ce que nous combattons aussi, est une poussée d’idéologique d’extrémisme qui a pris racine dans de trop nombreuses parties de la région ». L’administration Obama a lancé plus de 5 000 frappes aériennes sur des cibles syriennes, mais ses déclarations prétendument vertueuses ont été le seul aspect cohérent de sa politique. Le gouvernement américain a fourni des armes et de l’argent à des groupes radicaux liés à al-Qaïda et à d’autres fanatiques musulmans dans le cadre de la campagne américaine visant à renverser le gouvernement Assad. La politique américaine était si confuse que des rebelles syriens soutenus par le Pentagone ont ouvertement combattu des rebelles syriens soutenus par la CIA.

Trump

En mai 2017, Donald Trump s’est rendu en Arabie Saoudite et a proclamé que les États-Unis et les Saoudiens « cherchent à lancer de nouvelles initiatives pour contrer les messages extrémistes violents, désorganiser le financement du terrorisme et faire progresser la coopération en matière de défense ». Le fait que des représentants du gouvernement saoudien aient fourni une aide financière aux pirates de l’air du 11 septembre (15 des 19 étaient des Saoudiens) n’a pas suffi à gâcher la session de photos.

 

Le président Donald Trump et la première dame Melania Trump se joignent au roi Salman bin Abdulaziz Al Saud d’Arabie Saoudite et au président égyptien Abdel Fattah Al Sisi, le 21 mai 2017, pour l’ouverture du Centre mondial de lutte contre l’idéologie extrémiste. (Maison Blanche, Shealah Craighead)

Trois mois plus tard, la Maison Blanche a publié une synthèse de l’appel téléphonique de Trump au roi Salman bin Abdulaziz al-Saud qui souligne que les deux dirigeants « ont discuté de la nécessité de vaincre le terrorisme, de tarir le financement du terrorisme et de combattre l’idéologie extrémiste ». Le fait que les saoudiens ont toujours été parmi les plus grands financeurs du terrorisme et des mouvements islamiques radicaux dans le monde n’a en rien perturbé le communiqué de presse.

En novembre 2017, après que des hommes armés aient tué des centaines de personnes dans une mosquée en Égypte, Trump a proclamé : « Le monde ne tolérera pas le terrorisme. Nous devons les vaincre militairement et discréditer l’idéologie extrémiste qui est à la racine de leur existence ! Deux ans plus tard, il a interloqué les participants à un sommet international en saluant le dirigeant égyptien Abdel Fattah el-Sisi le qualifiant de « mon dictateur préféré ». Sisi est connu pour ses assassinats de dissidents, ses arrestations massives et la détention arbitraire de toute personne qui dénonce ses exactions. Mais comme Sisi suivait généralement les ordres de Washington, sa qualification de modéré était sans appel.

Pavillon de complaisance

La définition de ce qu’est « l’extrémisme » est souvent un pavillon de complaisance pour l’establishment. Comme l’a noté un manuel de formation du Pentagone concernant le danger des groupes de haine, « Toutes les nations ont une idéologie, quelque chose en quoi elles croient. Lorsqu’une idéologie politique se situe en dehors des normes d’une société, elle est qualifiée d’extrémisme ». En d’autres termes, les croyances qui divergent des opinions dominantes ou approuvées sont « extrémistes » par définition. Et qui peut déclarer ce qu’il est acceptable de croire ? Justement ces mêmes politiciens et agences gouvernementales dont le pouvoir est renforcé par les opinions dominantes.

L’ « extrémisme » est encore plus brumeux que le « terrorisme ». Avec le terrorisme, au moins les criminels sont de connivence quand il s’agit d’infliger la violence. Un extrémiste, en revanche, est quelqu’un qui a une mauvaise attitude et qui pourrait faire quelque chose de déplaisant dans le futur. La répression à l’encontre des extrémistes présumés peut constituer l’outil parfait pour diaboliser l’opposition politique dans le pays et à l’étranger.

Dans le même temps, les politiciens dénoncent l’extrémisme et les médias de l’establishment se gardent bien de rendre publics les abus du gouvernement. Plus l’accusation de tendances extrémistes est fondée, plus il est facile pour les responsables gouvernementaux de couvrir leurs atrocités.

Au début de 2004, avant que les photos d’Abu Ghraib ne soient divulguées, les personnes qui affirmaient que le gouvernement américain torturait des détenus étaient considérées comme des extrémistes. Une décennie plus tard, après qu’un rapport du Sénat ait documenté la manière dont la CIA avait mis en place un régime mondial de torture, les personnes qui étaient en faveur de vigoureuses poursuites judiciaires visant les tortionnaires de la CIA étaient considérées comme des extrémistes. De même, les personnes qui, après le 11 septembre, affirmaient que le gouvernement américain se rendait coupable de violations illégales et à grande échelle de la vie privée des Américains étaient considérées comme des extrémistes. Après qu’Edward Snowden ait divulgué des documents en 2013 prouvant que l’Administration de la sécurité nationale (NSA) avait illégalement saisi les courriels de millions d’Américains, seuls les extrémistes étaient favorables à la poursuite judiciaire des chefs de la NSA qui avaient menti au Congrès et au public américain au sujet de leur surveillance illicite.

Les Américains ont toujours accepté que le gouvernement s’empare d’un pouvoir pratiquement illimité quand il s’agit de guerre contre l’extrémisme. Mais permettre aux politiciens de définir l’extrémisme, c’est les laisser vilipender préventivement ceux qui sont leurs plus farouches critiques. Heureusement, il n’est pas encore devenu illégal de donner à penser que le gouvernement lui-même est devenu le plus grand des extrémistes.

James Bovard est conseiller politique auprès de la fondation The Future of Freedom. Il est chroniqueur pour USA Today et a écrit pour le New York Times, le Wall Street Journal, le Washington Post, New Republic, le Reader’s Digest, Playboy, American Spectator, Investors Business Daily et de nombreuses autres publications. Il est l’auteur de Freedom Frauds : Hard Lessons in American Liberty (2017, publié par FFF) ; Public Policy Hooligan (2012) ; Attention Deficit Democracy (2006) ; The Bush Betrayal (2004) ; Terrorism and Tyranny (2003) ; Feeling Your Pain (2000) ; Freedom in Chains (1999) ; Shakedown (1995) ; Lost Rights (1994) ; The Fair Trade Fraud (1991) ; et The Farm Fiasco (1989). Lisez son blog. Envoyez-lui un courriel.

Source : Consortium News, James Bovard, 11-12-2020

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